Votre serviteur a envoyé seulement les 8 premières pages
de ce nouveau roman au format 15x21
et...
En retour, il a reçu un contrat d'édition très intéressant à signer
d'une grande maison parisienne.
Naturellement, il a demandé à l'éditeur...
d'attendre de voir apparaître le mot "fin" sur la dernière page de l'ouvrage.
LEINAD
SPARE*
Ou
LES MARIAGES DE PAPIER
* Spare : mot anglais.
En français : de réserve, de rechange…
À toutes les femmes du monde…
Dan Leinad
PROLOGUE
UNE AUDIENCE SURPRENANTE
Tribunal De Grande Instance.
4, boulevard du Palais - 75001 – PARIS
Jeudi 25 novembre 2009.
–– Dites-moi monsieur Vincent Fresnel, votre acte de naissance est un véritable atlas mondial : une Vietnamienne, deux Tunisiennes, une Algérienne, une Thaïlandaise, sans oublier la beauté noire…
Ça palpite à ce point dans votre "Eminence" (1)?
Eclats de rire des personnes présentes dans la salle d'audience, dès la fin de la dernière phrase prononcée par le président.
–– Vous êtes plein d'humour, monsieur le président, lui rétorque l'intéressé.
–– Et vous, la main sur le cœur avec toutes ces dames.
Ou, peut-être pour être plus précis, une main qui compte les billets et l'autre qui signe l'acte de mariage. Entre-nous, combien tous ces mariages en blanc vous ont-ils rapporté ?
–– Si peu, monsieur le président. Au début, en francs, de l'ordre de vingt mille francs la signature au bas de chaque acte de mariage, pour terminer l'année dernière à douze mille euros.
Quand vous réfléchissez bien monsieur le président, compte tenu de l'inflation et surtout de la chasse aux sans-papiers, ce n'est pas cher payé.
1 : Marque de slips.
–– Et, encore une petite question, je suis curieux vous savez, pour le prix fixé, aviez-vous droit à… au moins une consommation, vous voyez ce que je veux dire ?
De nouveau la salle est hilare, et le président tout sourire, laisse faire.
–– Monsieur le président, c'est un réel plaisir pour le prévenu que je suis de se trouver en face de vous.
–– Croyez-bien monsieur Fresnel que dans d'autres circonstances, je suis un tantinet moins d'humeur, disons... badine.
–– Je comprends monsieur le président et pour répondre à votre question, la consommation était quelquefois incluse à la signature, disons deux fois sur trois.
–– L'utile à l'agréable en somme. Remarquez que vous êtes plutôt bel homme, monsieur Fresnel.
–– Des avances, monsieur le président ?
Le sourire de l'homme à l'ample robe noire et large cravate blanche, se fait plus crispé :
–– Pas du tout, mais rendons à César, ce qui appartient à César.
Et dites-moi encore, vous n’avez jamais eu l’envie de vous marier sérieusement, vous me comprenez, et fonder un foyer ?
–– Dans mon esprit monsieur le président, l’amour conjugal c’est comme le chewing-gum, plus tu mâches moins cela a de goût, alors quelques tablettes neuves de temps en temps sous la dent ne peuvent pas me faire de mal.
Tenez monsieur le président, puis-je me permettre de vous offrir ce petit cadeau ?
Du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, portant costume griffé Armani et chaussures Berluti, Vincent Fresnel s'avance vers le bureau du président, un livre à la main :
–– Tenez monsieur le président, c'est juste pour éclairer votre lanterne. Dans ce bouquin écrit de mes mains, vous avez tous les épisodes de ma vie disons amoureuse, croyez-moi, c'est du lourd et devrait vous intéresser.
De cette façon vous pourrez ainsi vous forger une opinion et rendre votre verdict, en toute connaissance de cause.
Le président marque l'étonnement, et tout à coup c'est comme un blanc sur une bande son durant plusieurs secondes... puis :
–– C’est d’accord monsieur Fresnel, je vais jouer le jeu et prendre le temps de lire votre ouvrage.
Le magistrat consulte son agenda devant lui, en tournant les pages, une à une :
–– Laissons passer les fêtes, et donnons-nous rendez-vous, disons le mercredi 13 janvier de l’année prochaine. Peut-être que ce nombre vous portera bonheur…
*
CHAPITRE I
DEMAIN, LA PLUIE LAVERA LE SANG
Pour mémoire…
Engagement des États-Unis au VIÊTNAM :
de 1961 (Conseillers de JFK) à 1975.
Thanh Hoa, VIÊTNAM du Nord, Golfe Du Tonkin
Vendredi 19 juin 1970, 08H12 heure locale.
La lame de la vengeance …
Le lourd octoréacteur avait décollé pendant la nuit depuis l'atoll de Diego Garcia, le ventre chargé de ses quatre-vingt-quatre bombes de deux cent-vingt-sept kilos en laissant derrière lui de longues trainées noires, dues à l'injection d'eau sous pression dans ses moteurs.
L'impressionnant oiseau du SAC (1) reconverti en porteur de « mort conventionnelle » atteignit son altitude de croisière une vingtaine de minutes plus tard.
L'équipage de six hommes, survola une partie de l'océan Indien puis la mer de Chine méridionale, avant de remonter vers le Golfe Du Tonkin.
Treize mille mètres plus bas, au ras des flots, Anh, quatorze printemps, assise dans la frêle embarcation en compagnie de son oncle regagnait paisiblement la cote, toute heureuse et fière de sa pêche miraculeuse.
Dans le pont inférieur du B52, l'équipe offensive composée de deux officiers des systèmes d’armes, venait maintenant d'ouvrir la soute à munitions :
1 : Stratégic Air Command. L'appareil est prévu pour être doté de l'arme nucléaire.
–– Objectif en vue ! cria le navigateur en regardant dans le viseur optronique.
Le chapelet de bombes s'échappa de la soute tandis que l'oiseau de mort subitement allégé grimpait de quelques pieds supplémentaires.
Le ciel était bien dégagé et le navigateur pouvait apercevoir au sol quelques éclairs orange suivis de panaches de fumées blanches, signes caractéristiques de départs de missiles sol-air, servis par le Viêt Minh.
Traçant le ciel à mach 3,5 vers sa cible, le SA2 Guideline de fabrication soviétique frappa l'avion sans toutefois exploser, mais coupant net l'alimentation hydraulique de l'appareil inhibant toutes manœuvres du pilote.
–– Evacuation ! hurla celui-ci, tandis que l'appareil plongeait vers le sol.
S'extirpant avec difficultés de la carlingue, Harry s'éjecta tandis que la charge explosive de cent trente kilos d'un autre SA2 coupa en deux le B52, réduisant à néant les chances de survie de ses compagnons restés dans l'avion …
Anh atteignit la berge tandis que son oncle amarrait le petit bateau au ponton. Elle se précipita la peur au ventre, vers son village tout proche.
La fumée noire âcre et nauséabonde envahissait le chemin tortueux menant à sa maison, ou du moins ce qu'il en restait.
Le souffle d'une bombe incendiaire avait détruit la jolie petite bâtisse que ses parents avaient mis des années à construire de leurs mains.
À terre, Anh aperçut deux corps carbonisés encore fumants, puis une dizaine de mètres plus loin, elle reconnut la dépouille de son petit frère.
S'agenouillant, elle prit le petit cadavre mutilé entre ses bras en criant toute sa détresse le visage défait et levant les yeux vers les cieux maudits.
Suspendu au bout des cordes du parachute, Harry descendait vers elle.
Anh vit distinctement le champignon blanc disparaître derrière les arbres de la forêt voisine.
De rage elle se releva, regarda plusieurs fois autour d'elle, cherchant visiblement quelque chose :
–– Le fusil de papa, où est le fusil de papa ? répétait-elle à l'envie.
Elle ne trouva pas l'arme. Son regard hagard s'arrêta sur la lame brillante d'un long couteau de cuisine qui jonchait le sol. Elle s'en empara.
–– Où vas-tu Anh ? lui cria son oncle.
Pas de réponse, l'agile silhouette de la fillette avait déjà disparu dans la végétation …
Elle courait maintenant dans cette forêt dense dont elle connaissait les moindres recoins, le couteau dans la main et bien décidée à venger sa famille.
Dotée d'un sens de l'orientation hors du commun, la gamine ne tarda pas à apercevoir l'aviateur.
Harry s'était fracturé le pied gauche et son poignet droit commençait à enfler.
Son passage au travers des branches, lui avait laissé plusieurs plaies saignantes et, groggy par cette arrivée brutale il était inconscient, bloqué dans un arbre, pendouillant au bout du parachute salvateur, les pieds à une cinquantaine de centimètres du sol.
Anh s’approcha tout doucement, contempla l'homme comme endormi, la tête penchée sur son épaule gauche.
En grimaçant de hargne, elle leva son couteau à deux mains, en visant de ses yeux meurtris le bas ventre du militaire.
À ce moment, Harry se réveilla et vit la petite vietnamienne ainsi que l'éclair blanc de la longue lame brandie au-dessus de sa tête.
Pris de panique et dans un dernier réflexe, il porta la main à son holster cherchant son révolver, mais la peur et la douleur étant trop intenses … il pissa dans son caleçon avant de sombrer de nouveau dans l'inconscience.
Le sort du bourreau d'un mètre quatre-vingt-dix et d'un quintal bien tassé, était à la merci d'une chétive gamine d'une quarantaine de kilos.
Anh hésita, bien que la vengeance fût maintenant à portée de ses délicates mains tremblantes.
Attendue, la mort rapide, brutale … ne viendra pas.
Anh se contrôla, rabaissa lentement enfin la lame d'acier.
La boucle qui pouvait libérer le militaire étant bloquée,
elle commença à grimper dans l'arbre jusqu'aux cordons du parachute, qu'elle trancha difficilement un à un.
–– Aïe ! s'exclama Harry quand sa grande carcasse meurtrie s'affala sur les feuilles jonchant le sol …
Cinq ans plus tard,
Paris, mercredi 8 janvier 1975, café de l'Opéra.
Anh …
–– Et après, tu l'as revu Harry ?
–– Non, je l’ai caché, fait soigné, puis aidé à regagner sa base et je n'ai plus jamais entendu parler de lui.
–– Quelle ingratitude. Il s'en est sorti grâce à toi Anh.
–– Oui, et j'ai été dénoncée quelques mois plus tard et tu sais Vincent, je peux t'appeler Vincent ?
–– Bien sûr.
–– Eh bien, j'ai dû fuir le régime communiste et surtout sortir du Viêtnam. C'est mon oncle qui m'a donné l'argent.
La jeune femme de dix-neuf ans ouvrit son grand sac besace, y plongea la main gauche.
Vincent l'arrêta :
–– Tout va bien Anh, tu es à Paris maintenant, et dans deux mois tu seras mariée, je vais m'occuper des papiers, pour l'argent ce n'est pas pressé.
–– Si, j'y tiens.
Elle sorti une enveloppe Kraft qu'elle tendit à Vincent :
–– Tiens vingt mille francs, tu peux compter.
–– J'ai confiance, dis-moi, je t'invite ce soir, dîner plus boite de nuit sur les bords de la Marne, cela te changera les idées ...
© Dan Leinad.
Audrey Auffret, Dan Leinad & Tarek Mekhloufi, sont des pseudos de Paul Samas, alias L'impertinent.